Le creux du marché résidentiel canadien est-il derrière nous?
Le marché résidentiel canadien aura été un sujet brûlant d’actualité depuis le début de la pandémie. La forte appréciation des prix en 2020 et 2021 aura finalement fait volte-face dès que les taux d’intérêt se sont mis à remonter.
Entre février 2022 et mars 2023, le prix moyen d’une résidence au Canada a diminué de 17,5 %. L’arrivée du printemps annonce généralement le début de la saison chaude pour le marché immobilier. Ces derniers trois mois, les prix semblent se stabiliser dans la plupart des régions et plusieurs se demandent alors si le creux a finalement été atteint et que nous réserve le marché résidentiel canadien dans un proche avenir.
Un futur incertain Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte lorsque vient le temps de prévoir la direction du marché résidentiel en 2023 et 2024. À court terme, le marché dépend de conditions externes comme les perspectives économiques, l’incertitude et évidemment la direction des taux d’intérêt. Des facteurs fondamentaux au marché, comme la croissance démographique, indiquent aussi la tendance que prendra la demande et les besoins en logement.
Un contexte économique défavorable à une reprise Les conditions économiques changent rapidement depuis la pandémie. Il y a de grandes incertitudes, l’inflation demeure élevée et les banques centrales (outre le Canada) poursuivent le resserrement des conditions financières. Les banques centrales du monde entier peinent ainsi à trouver le bon équilibre.
Chaque nouvelle hausse de taux les rapproche du risque d'en faire trop et de provoquer la chute de l’économie. D’autres facteurs contribuent également au fort niveau d’incertitude comme la montée des tensions géopolitiques, les faillites d’institutions financières aux États-Unis et en Suisse et la nouvelle menace de la crise du plafond de la dette américaine. Dans ce contexte, l’inquiétude est omniprésente chez les consommateurs qui tendent à être de moins en moins enclins à faire des achats importants – une maison par exemple.
Mais la stabilité des taux d’intérêt est de bon augure Bien que rien ne soit encore coulé dans le béton, la pause du cycle de resserrement annoncée par la Banque du Canada à la fin janvier contribue à calmer l’incertitude et stabiliser les prix.
Les coûts de financement sont le facteur prédominant qui freine la demande dans le secteur résidentiel. Si les hausses de taux directeur mettent plusieurs mois à agir sur l’économie, le marché immobilier réagit pour sa part plus rapidement.
Après cinq trimestres, c’est 75 % de l’impact total d’une hausse de 100 points de base de taux d’intérêt sur l’activité résidentiel qui serait atteint, estime la Banque du Canada. Or, nous sommes présentement au cœur du cinquième trimestre depuis la première hausse et ce cycle de resserrement aura été historique en force et en rapidité. Voilà qui laisse penser que le creux est proche dans les marchés où il n’a pas déjà été atteint.
En avril 2023, le taux hypothécaire 5-ans s'élevait à 6,5 % – le plus haut niveau atteint depuis décembre 2008. La bonne nouvelle, c’est que ce taux est stable depuis les six derniers mois. Puisque la direction des taux est maintenant plus prévisible, les ménages canadiens ont plus de chance de s’y adapter adéquatement. D’ailleurs, nous nous attendons à ce que le prochain changement au taux directeur par la Banque du Canada soit une baisse qui pourrait survenir dès le début de 2024.
Des besoins toujours grandissants La croissance de la population canadienne s’est accélérée à un rythme record en 2022. On compte plus d’un million de nouveaux canadien.ne.s par rapport à 2021. Cet accroissement de la population est non négligeable en comparaison des autres pays de l’OCDE. Par exemple, la France a connu une hausse de 130 000 nouveaux habitants et le Royaume-Uni de 228 000 durant la même période.
En fait, le taux de croissance démographique de 2,7 % observé au Canada le placerait parmi les 20 premiers à l’échelle mondiale. L’immigration temporaire aura le plus contribué à l’essor de la population en 2022.
La croissance démographique a donc contribué à soutenir la consommation et la demande de logement, malgré les hausses de taux d’intérêt. Un accroissement du nombre d'immigrants permanents et temporaires pourrait aussi poser d'autres défis pour le marché résidentiel dans certaines régions du pays. L’offre de logement est toujours sous-tension, l’abordabilité demeure un enjeu important et la construction de logement au Canada est confrontée à plusieurs défis – notamment des coûts de production élevés.
Finies les fluctuations spectaculaires L’activité sur le marché de la revente restera faible. Le volume de vente, qui a déjà atteint un niveau observé seulement lors des dernières récessions ou ralentissements économiques importants, pourrait poursuivre sa descente. Le marché résidentiel est le plus réactif aux variations de taux d’intérêt – autant en ampleur qu’en vitesse de réaction.
Même si les taux resteront élevés encore un bon moment, les ménages canadiens s’habituent tranquillement à cette nouvelle réalité. Maintenant que choc des taux d’intérêt est essentiellement derrière nous, la population s’adaptera encore davantage et préparera en conséquence ses budgets d’achats importants.
On devrait donc voir encore en 2023 de faibles baisses de prix ici et là dans certains marchés, mais le plateau attendu au niveau national semble déjà s’installer. Il faudra toutefois attendre encore plusieurs mois, soit au tournant de 2024, avant que le marché ne reprenne un rythme de croissance plus adéquat.