Fin des hausses de taux d'intérêt – qu'est-ce que cela signifie?
La Banque du Canada a relevé son taux, en janvier, vraisemblablement pour une dernière fois dans ce cycle de resserrement amorcé il y a moins d’un an. Quel en sera l’impact sur l’inflation cette année? Quels sont les risques de cette dernière augmentation? À quand la première baisse du taux directeur?
Les faits sur la situation actuelle La politique monétaire adoptée par la Banque du Canada semble confirmer la théorie. Même s’il faudra attendre encore plusieurs mois avant d’en ressentir les effets, la demande ralentit, particulièrement dans les secteurs plus sensibles aux taux d’intérêt comme la consommation discrétionnaire, les biens durables, l’immobilier et la construction.
L’inflation s’est montrée plutôt lente à réagir, malgré la force des hausses de taux infligé à l’économie canadienne (+425 points de base en dix mois). L’indice des prix à la consommation aura toutefois montré des signes encourageants à la fin de l’année, avec un repli à 6,3 % en décembre. Il s’agit-là d’un niveau toujours trop élevé et les indices fondamentaux se maintiennent encore autour de 5 %. La banque centrale aura toutefois été réconfortée par les faibles variations à court terme et le ralentissement de la croissance des salaires et des prix des services.
L’inflation poursuivra sa descente Même si le niveau actuel des taux est source de frustrations et d’inquiétudes pour plusieurs ménages et entreprises, un taux directeur à 4,5 % s’avère toujours nécessaire pour rétablir l’équilibre entre l’offre et la demande et ainsi atteindre une croissance de prix soutenable à long terme.
L’inflation continuera à baisser dans les prochains mois et probablement plus rapidement que vous ne le pensez. Évidemment, le resserrement des conditions de crédit et la réallocation du budget des ménages vers le remboursement de dettes ralentiront davantage la demande et enlèveront de la pression sur les producteurs. D’autres facteurs viendront également soutenir la baisse de l’inflation.
D’une part, les prix des matières premières ont redescendu des sommets atteints lors de l’invasion de l’Ukraine par la Russie à la fin de février 2022. L’indice du prix des matières premières a reculé de 30 % entre mars 2022 et janvier 2023 et poursuit sa descente. L’assouplissement de la pression sur les chaînes d’approvisionnement et les inventaires accumulés par les entreprises en seconde moitié de 2022 atténueront aussi l’inflation. De plus, l’actuel ralentissement économique tempérera la compétition pour les travailleurs disponibles et les changements d’emplois, ce qui diminuera également la pression sur les salaires.
L’inflation devrait approcher les 3 % soit le niveau supérieur de fourchette cible de la Banque du Canada dès le troisième trimestre. La banque centrale sera alors en bonne position pour réduire le taux directeur.
Des risques demeurent Le taux directeur aura donc culminé à 4,5 % et devrait s’y maintenir pour la majeure partie de l’année. Mais il y a des risques à considérer. Premièrement, même si nous pensons que la pression sur les salaires sera moins forte cette année qu’en 2022, le niveau de postes vacants et la création d’emplois sont encore trop importants pour avoir un impact significatif sur la rémunération. Le vieillissement de la population mène de plus en plus de travailleurs à la retraite et il serait surprenant de voir des gains significatifs de productivité se manifester puisque l’investissement des entreprises ralentit également.
La Banque du Canada note d’ailleurs qu’une croissance salariale de 4-5 % ne concorde pas avec une inflation à 2 %, soulignait-elle dans son dernier rapport sur la politique monétaire. En janvier, le salaire horaire moyen a grimpé au rythme de 4,5 % par rapport à l’an dernier. L’inflation des industries du service pourrait donc s’avérer plus persistante. Les services excluant le logement représentent près du quart de l’IPC.
Deuxièmement, l’assouplissement des restrictions sanitaires et la réouverture complète de l’économie chinoise pourraient raviver la demande mondiale pour les matières premières et l’énergie. Un tel regain ne s’est toutefois pas matérialisé jusqu’à présent. La hausse du nombre de cas d’infection a en effet ralenti le potentiel de la reprise économique en ce début d’année.
Une fois le pays remis de la plus récente vague, la demande pourrait repartir trop rapidement, notamment la demande pétrolière. L’incertitude géopolitique, qui subsiste encore alors que des mesures de représailles envers la Russie continuent à voir le jour, représente un autre risque pour le marché énergétique.
Finalement, lors du plus récent Discours sur l’état de l’Union, le président américain, Joe Biden a annoncé de nouvelles normes concernant les matériaux de construction utilisés dans les projets d’infrastructure fédéraux qui pourraient avoir des effets sur l’inflation de part et d’autre de la frontière. Les matériaux utilisés, dont le bois d’œuvre, le verre, les cloisons sèches et les câbles de fibre optique devront avoir été fabriqués aux États-Unis. Au moment d’écrire ces lignes, il y a encore beaucoup d'incertitude sur la façon dont cette politique fonctionnerait réellement, et en particulier sur la façon dont elle s'intègre dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Rappelons d’ailleurs que les États-Unis ont perdu devant le groupe spécial de règlement des différends concernant le calcul du contenu étranger admissible dans les véhicules américains dernièrement.