Perspectives économiques 2023: Matière à prudence, mais pas de panique.
La reprise économique, après la courte mais profonde récession causée par la pandémie de COVID-19, s’avère désormais plus laborieuse qu’anticipée il y a un an. En 2022, la question sur toutes les lèvres est rapidement passée de « est-ce la fin de la pandémie » à « est-ce qu’on est en récession ».
La réponse simple est non, le Canada n’est toujours pas en récession. Malgré les sombres perspectives économiques des derniers mois, l’économie canadienne peut encore éviter cette fatalité. L’année 2023 sera toutefois marquée par une croissance en deçà de son potentiel économique et aussi beaucoup d’incertitude. Le ralentissement s’avère nécessaire pour contrecarrer l’inflation, car le risque d’en faire trop peu pour la contenir l’emporte sur celui d’en faire trop, trop vite.
L’héritage d’une année agitée Avant de faire des prévisions, il importe toujours de faire le bilan. Il est maintenant clair que l'année 2022 a constitué un tournant pour l’environnement économique mondial. La guerre en Ukraine, les sanctions qui en ont résulté pour la Russie et un fort ralentissement en Chine ont pesé sur la croissance mondiale au fil de l'année. Les diverses économies se sont heurtées à un durcissement des conditions monétaires alors que les banques centrales relevaient leurs taux d'intérêt pour faire baisser l'inflation élevée. L’économie européenne a subi un sérieux revers en raison de l’invasion de l’Ukraine à la fin février 2022 et est encore aujourd’hui confrontée à une crise énergétique d’envergure.
L’économie américaine aura également écopé du pessimisme et de la prudence des ménages face à l’inflation élevée, aux hausses de taux d’intérêt et au repli du marché boursier. Le PIB des États-Unis a diminué au cours des deux premiers trimestres, mais un rebond en seconde moitié d’année a permis de compenser ces pertes. L’économie canadienne s’est montrée résiliente malgré les enjeux mondiaux et l’incertitude. La croissance a été soutenue par une forte reprise du marché du travail, l'épargne des ménages, les prix élevés des produits de base, l'augmentation des investissements des entreprises et la demande refoulée de services après la fin des restrictions liées à la COVID.
Que peut-on attendre en 2023?
S’il y aura une récession ou non, un consensus ressort des perspectives économiques pour 2023: l’économie va ralentir. La source du ralentissement émane de la lutte à l’inflation entamée par la Banque du Canada pour contrer une économie en surchauffe. Toutefois, il reste beaucoup d’incertitude entourant la portée qu’aura effectivement le resserrement de la politique monétaire dans le contexte post-pandémique actuel.
La recette pour ramener l’inflation à sa cible semble simple sur papier: la demande doit suffisamment ralentir pour que l’offre s’ajuste et parvienne à y répondre. Résultat: la croissance du PIB devrait être inférieure à son potentiel, soit environ 2,0 % en 2023 et 2024, estime la Banque du Canada.
Ménages et entreprises se montreront prudents Le moteur de la croissance économique repose principalement sur les dépenses des ménages. Si la consommation est généralement responsable d’environ 60 % de la croissance économique, nous estimons qu’elle représente près de 80 % de la croissance du PIB en 2022. Pendant un ralentissement économique, par peur d’être mises à pied, les personnes en emploi auront tendance à dépenser moins et à épargner davantage. D’ailleurs, même si l’épargne des ménages a ralenti par rapport à son sommet de 2020, celle-ci était toujours nettement plus élevée qu’avant la pandémie.
La hausse des taux d’intérêt aura fait baisser les prix des actions et des résidences qui devraient continuer à fléchir en 2023. L'effet de richesse sur les dépenses de consommation est désormais négatif et l’affaiblissement graduel de l’impact de la réouverture de l’économie se poursuivra. Tous ces facteurs se traduiront par un ralentissement des dépenses de consommation. Ce ralentissement se répercutera donc sur les ventes des entreprises. Même si la majorité d’entre elles sont bien positionnées financièrement et se considèrent bien préparées à affronter une potentielle récession, le premier trimestre de l’année s’avérera déterminant pour les entreprises. Une baisse plus accentuée de leurs activités pourrait les amener à réviser leurs projets d’investissement qui, à moins d’une dégradation plus sévère qu’attendue des conditions économiques, se maintiennent jusqu’à présent.
Le taux directeur atteindra 4,5 % La population canadienne peut se réjouir de voir la lumière au bout du tunnel en matière d’inflation. Mais le chemin est encore long. La Banque du Canada a relevé son taux directeur de 400 points de base en 2022 et l’inflation ralentit depuis juin. Le taux directeur pourrait néanmoins s’élever jusqu’à 4,5 % car la lutte à l’inflation n’est toujours pas terminée. Il faudra attendre le premier trimestre de l’année avant que la banque centrale prenne une pause et permette aux hausses passées d’avoir un impact dans l’économie. La banque centrale pourrait toutefois changer de cap pendant la nouvelle année. À mesure que la demande ralentit et que l’inflation fondamentale se stabilise, le Canada pourrait dès lors bénéficier d’une baisse des taux d’intérêt avant la fin de 2023. Toutefois, il faudra attendre encore 18 mois avant un retour au taux neutre de 2,5 %.
Vers un timide rééquilibrage du marché du travail Typiquement, un ralentissement économique s’accompagne d’une hausse du taux de chômage. Les mises à pied gagnent de l’ampleur alors que les entreprises réduisent la production. Dans le contexte actuel de pénuries de main-d’œuvre, la contraction du marché du travail devrait davantage se traduire en une baisse des heures travaillées et de la demande de personnel. Le manque d’effectifs touche encore beaucoup d’entreprises. Le Canada comptait toujours environ un million de postes vacants en septembre. Le ralentissement de la demande de travail devrait donc majoritairement passer par une contraction des emplois disponibles, puisque de nombreux gestionnaires gardent un goût amer de leurs plus récents processus d’embauche.
Comme il existe des enjeux d’adéquation entre les compétences de la main-d’œuvre disponible et les besoins des entreprises, ça ne signifie pas non plus que les mises à pied seront nulles ou que les problèmes de rareté de main-d’œuvre disparaîtront en 2023. L’effet du ralentissement sur le marché du travail sera simplement moins prononcé que lors des périodes de contractions économiques similaires.
Pas de récession, mais une économie au neutre Il existe un chemin plausible vers un atterrissage en douceur qui dépend d’un calibrage approprié de la politique monétaire. BDC s’attend davantage à une stagnation de la croissance économique, au lieu d'une contraction, puisque l’économie repose encore sur des bases solides. Notre scénario le plus plausible table donc sur une croissance annuelle du PIB de 0,5 % au Canada en 2023, incluant un ou deux trimestres négatifs ici et là. Le ralentissement sera plus marqué en matière d’investissement résidentiel et de consommation de biens. Les prix de l’énergie et des denrées alimentaires continueront également à gruger une part significative des revenus des ménages et l’engouement refoulé pour les services s’estompera davantage à mesure que l’année progressera. Le dollar canadien se maintiendra relativement faible par rapport à la devise américaine ce qui favorisera les exportations au détriment des importations.
Au final, puisque le ralentissement émane du resserrement de la politique monétaire, le Canada est ainsi davantage en mesure de contrôler son dénouement contrairement à un ralentissement qui, à l’image des dernières récessions, est engendré par un choc externe.